Nous sommes le 19 septembre 1886. Ce jour-là on inaugure à la Croix-Rousse pas moins de deux écoles publiques, l’école de la place du Commandant Arnaud et l’école de la rue Jacquard. Ces deux bâtiments sont imposants par leur taille et leur architecture, tout à fait dans l’esprit de la république triomphante qui les a fait édifier.

Les deux constructions se ressemblent beaucoup. Mêmes façades longilignes avec des rampes prévues pour l’éclairage. Dans les deux cas on a prévu une horloge pour donner l’heure car il ne faut pas laisser cette fonction aux clochers des églises voisines. A l’intérieur, c’est le même module qui prévaut avec chaque fois une école maternelle, une école de filles, une école de garçons. Les escaliers qui permettent d’accéder aux étages sont en pierre de Villebois.

L’éclairage est moderne : il est au gaz alors que dans les autres petites écoles plus anciennes il est encore à l’huile ou au pétrole. L’alimentation en eau se fait par la Compagnie mais, à l’école de la place du Commandant Arnaud, la faible pression dans les tuyaux a nécessité l’installation d’un bélier hydraulique pour qu’elle atteigne le logement des instituteurs. Enfin, un même système de chauffage a été prévu. On a installé dans les sous-sol un gros calorifère en briques réfractaires. Il fonctionne à la poussière de coke et produit une vapeur qui est pulsée dans des tuyaux traversant les salles de classe, juste sous les fenêtres.

Le journal Le Progrès dans son édition du lendemain 20 septembre fait une description dithyrambique des évènements.

« Nous venons d’assister à l’inauguration des groupes scolaires de la Croix-Rousse. Disons le immédiatement, cette fête a pris le caractère d’une grande manifestation patriotique qui a fait honneur à la population de cet arrondissement. Les maisons, les établissements publics sont pavoisés comme au 14 juillet et, dès midi, une  foule de vingt mille personnes a envahi l’immense boulevard pour voir défiler les nombreuses sociétés invitées à la fête et qui viennent se grouper devant la mairie du 4ème arrondissement…

Des salves d’artillerie ont donné le signal du défilé. La foule se masse sur les trottoirs, les tambours battent, les clairons sonnent. La 4ème compagnie des sapeurs Pompiers ouvre la marche, pendant que son excellente musique joue l’hymne national. Le bataillon scolaire suit avec ses clairons et, d’un bout à l’autre du boulevard est salué par des applaudissements bien mérités. Et, tour à tour, passent l’Harmonie du 1er arrondissement, les enfants de Perrache, les enfants d’Orphée, l’Union lyrique, la fanfare de Serin, la Lyre de Perrache, l’Harmonie Gauloise, la Société philharmonique du 6ème arrondissement, la Lyre lyonnaise….

M. Thévenet, député du Rhône devait prendre la parole au groupe scolaire de la rue Jacquard. A trois heures, l’éminent conférencier monte sur l’estrade au milieu des applaudissements pendant que l’harmonie du Rhône jouait la Marseillaise.. Le sympathique député du Rhône, après avoir adressé les remerciements aux organisateurs de la fête qui est une manifestation républicaine de tout un arrondissement, félicite le Conseil Municipal de Lyon de ne s’être point laissé arrêter par les critiques de la réaction et d’avoir construit ces palais où l’enfant d’ouvrier  pourra respirer, avec l’air et la lumière qui fortifient le corps, la lumière et la liberté qui grandissent les caractères et font les citoyens…  »

A la même heure a lieu l’inauguration de l’école de la place du Commandant Arnaud. Là, c’est le député Burdeau qui officie. Le journaliste rapporte : « Le conférencier a pris pour thème l’instruction ; il établit la comparaison entre l’éducation donnée autrefois par les associations religieuses et celle des instituteurs laïcs de nos jours. Les maisons d’école primaire étaient presque des gouges où l’enfant, privé d’air, dépérissait. On mettait dans les mains de l’enfant, en fait de livres, un abécédaire, le psautier, un catéchisme et c’était tout… »

Les festivités de la journée se terminent devant la mairie du 4ème où viennent se rassembler toutes les sociétés, bannières déployées. Le maire de Lyon, Gailleton, est là, entouré de toutes les notabilités pour procéder à la distribution des médailles commémoratives de l’événement. L’hymne national est joué encore une fois et on termine la journée par un lâcher de pigeons voyageurs.