A partir du 19ème siècle la Croix-Rousse est devenue le lieu où la soierie prend un nouvel essor. On estime que, dans ce quartier, le nombre de métiers à tisser passe de 3500 à une cinquantaine de mille vers 1860. La Croix-Rousse et le 4ème arrondissement en particulier se devaient de rendre hommage aux hommes les plus célèbres de ce monde en leur dédiant une rue ou une place.

Voici une brève revue de ces hommes honorés dans le 4ème arrondissement.

Les inventeurs

Parmi les personnages de la soierie qui ont laissé un nom à une rue, les plus nombreux sont des inventeurs dont la créativité a permis de perfectionner les méthodes de tissage pratiquées alors.

Le premier dans l’ordre chronologique est Claude Dangon (1550-1631), qualifié de « maître ouvrier en draps d’or, d’argent et de soie ». Il améliore le métier italien dit à la grande tire, ce qui permet de tisser des étoffes façonnées de grande taille. Le principal inconvénient de son métier, c’est qu’il nécessite pour son fonctionnement deux personnes, une pour tisser, l’autre pour tirer les lacs afin de soulever les fils de chaîne.

Basile Bouchon améliore le métier de Dangon vers 1725 en simplifiant le travail du tireur de lacs. Il introduit pour la première fois l’usage d’un papier perforé et le rôle du tireur de lacs se réduit désormais à appuyer le papier contre les aiguilles susceptibles de pénétrer dans les trous.

Falcon à peu près vers la même période reprend les idées de Bouchon et remplace le papier par des cartons rectangulaires lacés ensemble et placés sur un prisme qui les fait avancer.

Jacquard (1762-1834) bénéficie des innovations mises au point par ses prédécesseurs et invente en 1804 le métier à tisser qui porte son nom. Ce dernier supprime la nécessité d’un tireur de lacs. La sélection des fils de chaîne se fait à l’aide d’un programme inscrit sous forme de perforations sur des cartons.

Bely (1779-1856) invente une mécanique ronde pour dévider la soie.

Philibert Roussy (1796-1863) est un chef d’atelier dans une maison de soierie. Il invente un modèle de régulateur compensateur pour les métiers d’étoffes façonnées.

Les dessinateurs

Beaucoup de dessinateurs en soierie ont aussi donné leur nom à des rues du plateau. Le plus ancien est Jean Revel (1684-1751) qui fut dessinateur aux Gobelins et mit au point divers procédés techniques de travail de la soie.

Le plus célèbre de tous est sans aucun doute Philippe de Lassalle (1723-1804). Il est le spécialiste incontesté de la représentation des fleurs, des oiseaux et de divers motifs qu’on appelle des chinoiseries, mis à la mode par la Compagnie des Indes.

Joseph Bournes (1740-1808) travailla beaucoup pour Versailles et fut très renommé à la cour de Louis XVI. Picard (1748-1818) fut aussi un dessinateur apprécié.

Jean-François Bony (1754-1825) fut professeur de la classe de fleurs à l’Ecole des Beaux arts de Lyon. Il imagina la robe et le manteau du sacre de l’impératrice Joséphine.

Les Fabricants

Ceux que l’on appelait aussi les soyeux ne fabriquaient rien en réalité. Ils étaient les donneurs d’ordre auprès des chefs d’ateliers qui tissaient chez eux à façon. Deux fabricants en soierie ont aussi laissé leur nom. Claude Pernon (1753-1808) était un ami de Philippe de Lassalle. Ce fournisseur privilégié de Napoléon a été aussi adjoint au maire et administrateur des Hospices.

Claude Joseph Bonnet (1786-1867) est surtout connu pour avoir fondé à Jujurieux dans l’Ain une célèbre usine-pensionnat où ne travaillaient que des jeunes filles encadrées par des religieuses. On peut remarquer que dans le passé les édiles lyonnais et croix-roussiens des différentes époques n’ont jamais donné le nom d’un simple tisseur à une rue ou une place. Une exception est toutefois à noter : l’attribution récente du nom de Georges Mattelon à la petite place située en bordure de la rue de la Tour-du-Pin. A quand une rue ou une place Henriette Létourneau ?

Jean Pelletier : Lyon pas à pas, Horvath 1985. Bernard Tassinari : La soie à Lyon, Editions lyonnaise d’art et d’histoire 2005. De fils d’or et d’argent : plaquette éditée par Soierie Vivante et la ville de Lyon.